Dans un contexte de pénurie de logements et de tensions extrêmes sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages, l’annonce conjointe de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et d’Action Logement marque un tournant. Le financement colossal de 24 milliards d’euros, officialisé le 18 juin dernier, vise à soutenir la création de 400 000 logements abordables d’ici à 2027 : un objectif ambitieux, autant social qu’économique. Derrière cette somme se cache un mécanisme complexe mêlant recyclage de l’épargne populaire, solutions innovantes d’aménagement urbain, et efforts de transition énergétique. L’enjeu : relancer une machine grippée par la hausse des taux et l’explosion des coûts de construction.
Un levier économique majeur pour relancer l’offre locative
Face à une production de logements en berne, ce plan de financement massif redonne de l’oxygène à un secteur stratégique. Action Logement, gestionnaire de plus d’un million de logements sociaux et intermédiaires en France, disposera ainsi de nouveaux moyens pour accélérer la construction de 200 000 logements neufs et rénover 200 000 unités existantes. Une opération d’envergure qui s’inscrit dans le cadre de la convention quinquennale 2023-2027 signée avec la CDC, bras armé financier de l’État.
Ce soutien financier repose en grande partie sur les fonds du livret A, canal emblématique de l’épargne réglementée française.
Ce partenariat permettra à tous nos concitoyens de bénéficier d’une offre de logements diversifiée et adaptée
affirme Olivier Sichel, directeur général de la CDC. Le geste n’est pas uniquement symbolique : il s’agit de maintenir en vie des modèles économiques mis en péril par l’inflation des matériaux et des taux, qui ont fortement amputé la rentabilité des projets sociaux.
En 2024, ce mécanisme avait déjà permis le lancement de 27 000 logements dits « intermédiaires« , à mi-chemin entre le logement social classique et le marché privé. Ces biens, à loyers plafonnés mais supérieurs à ceux du parc HLM, s’adressent en priorité à la classe moyenne salariée, souvent exclue des dispositifs les plus sociaux.
La dynamique se poursuivra avec une nouvelle enveloppe de 10 milliards d’euros spécifiquement dédiée au financement du logement social entre 2025 et 2026. Un véritable plan de soutien à l’investissement locatif, à un moment où de nombreux bailleurs peinent à équilibrer leurs comptes.
️ Innovation foncière, rénovation énergétique : un virage structurel
Le partenariat ne se limite pas à l’injection de liquidités. Il s’inscrit dans une logique de transformation profonde du modèle immobilier français. La Banque des Territoires, branche opérationnelle de la CDC, entend accompagner Action Logement dans des projets innovants destinés à rationaliser l’usage de l’espace urbain et améliorer la durabilité du parc existant.
Parmi les pistes avancées figure la reconversion de bureaux vacants en logements, une stratégie de plus en plus courue pour répondre à la demande sans artificialiser davantage les sols. Une autre solution avancée : le démembrement de propriété, mécanisme permettant de séparer la propriété du bâti de celle du foncier, réduisant ainsi considérablement le coût d’accès à la location ou à la propriété. Une approche qui pourrait révolutionner le modèle d’acquisition dans les zones urbaines tendues. ➡️
Autre innovation d’envergure : le lancement d’un prêt à impact réel pour la rénovation énergétique, destiné à favoriser la transformation thermique du parc immobilier détenu par Action Logement. Cette expérimentation – qui sera généralisée dès l’automne – vise un double objectif : réduire les émissions de CO₂ et alléger les charges des locataires, deux priorités dans un contexte de transition écologique et de précarité énergétique croissante.
En toile de fond, ce partenariat vient renforcer la mission historique d’Action Logement : faciliter l’accès au logement pour soutenir l’emploi. Avec 44 000 logements construits en 2024 et 1,11 million de logements sous gestion, le groupe affirme sa position de pilier de la politique du logement en France.
L’œil de l’expert
Ce partenariat de 24 milliards d’euros constitue bien plus qu’un plan de relance : c’est une reconfiguration stratégique du logement abordable en France. À l’heure où les modèles traditionnels s’essoufflent, la combinaison de financements publics puissants, de solutions juridiques novatrices et de réponses énergétiques adaptées constitue un signal fort pour l’ensemble de la chaîne immobilière.
L’implication directe de l’épargne populaire à travers le livret A rappelle que le logement social reste un enjeu collectif. La réussite de cette initiative dépendra cependant de sa capacité à conjuguer efficacité économique, rapidité d’exécution et acceptabilité territoriale. Si elle y parvient, elle pourrait bien dessiner le modèle du logement abordable de demain.