Les Français, champions mondiaux de la consommation de confiture (8,8 kg par an et par habitant), pourraient bientôt voir leurs tartines matinales se renchérir. En cause : une récolte de fruits catastrophique à l’échelle européenne, conjuguée à une inflation persistante sur les matières premières. Derrière les pots de fraises et d’abricots, c’est toute une filière agroalimentaire de 1,7 milliard d’euros qui vacille. Entre aléas climatiques et hausses de coûts, les industriels de la transformation de fruits lancent l’alerte. Et les consommateurs devront, eux aussi, s’adapter à cette nouvelle donne.
🌧️ Météo extrême et tensions sur les matières premières
Les événements climatiques extrêmes ont frappé de plein fouet les vergers européens : gel tardif, grêle, sécheresse ou pluies diluviennes selon les régions. La Fédération des Industries d’Aliments Conservés (FIAC) évoque « la pire récolte de fruits jamais connue en Europe ». En Pologne, troisième producteur de fraises du continent, la production a chuté de 50 %. Même constat en Espagne pour les abricots, et en Serbie pour les framboises.
Conséquence directe : les prix des fruits explosent, tirés par une forte tension entre l’offre et la demande. Et ce n’est pas tout : la hausse continue du sucre, aliment-clé de la fabrication de confiture, aggrave la situation. Les coûts de production ne cessent de grimper et les factures des grossistes ont bondi de 30 %, selon les acteurs du secteur.
Pour Jannick Peytra, artisan confiturier en Gironde, la situation est intenable :
Le cassis, la myrtille, la cerise… tout a augmenté. À un moment donné, je vais devoir arrêter certaines recettes, car ce ne sera plus rentable
déplore-t-il sur RMC. Ses marges sont laminées par l’envolée des prix, remettant en cause la pérennité de son activité artisanale.
🍓 Menaces sur la rentabilité
Pour tenter d’absorber les hausses sans faire fuir les consommateurs, certains producteurs adoptent une stratégie de réduction des formats. C’est le cas de l’atelier Paytra Fouquet à Saint-Émilion, qui propose désormais des pots de 110 grammes au lieu de 220, vendus 4,90€ au lieu de 6,90€. Le prix au kilo grimpe, mais le prix affiché en rayon reste psychologiquement acceptable.
Dans un contexte où la rentabilité devient fragile, cette tactique vise à maintenir les ventes sans compromettre trop lourdement la compétitivité. Mais cette stratégie a ses limites : si la situation perdure, elle pourrait entraîner des suppressions de gammes, voire des fermetures d’ateliers.
À l’échelle nationale, la filière emploie près de 10 000 personnes, ce qui renforce l’inquiétude sur les effets à moyen terme de cette crise agricole. Un marché encore considéré comme stable et accessible pourrait devenir un produit semi-luxe, inaccessible à certaines bourses, en particulier pour les produits premium à base de fruits rares ou bio.
👁️ L’œil de l’expert
La hausse des prix des confitures n’est pas qu’une anecdote de supermarché. Elle illustre un phénomène structurel lié au changement climatique, qui affecte durablement les chaînes d’approvisionnement agricoles en Europe. La filière agroalimentaire de transformation, traditionnellement résiliente, entre désormais dans une zone d’instabilité.
Pour les professionnels, la question centrale devient : faut-il répercuter intégralement les hausses ou repenser le modèle économique ? La mutualisation des ressources, la relocalisation partielle des productions, ou encore l’investissement dans des cultures plus résistantes sont des pistes explorées. Mais elles nécessitent du temps et du capital.
En attendant, le consommateur paiera la note, dans un contexte d’inflation généralisée sur les produits alimentaires. Ce qui était jusqu’à présent un produit du quotidien pourrait bien devenir, pour certains ménages, un petit luxe saisonnier.