Le naturisme conserve une image contrastée dans l’Hexagone. Porté par une tradition historique mais pratiqué par une minorité, il intrigue de plus en plus les jeunes adultes. Entre phénomène de curiosité générationnelle et poids des tabous sociaux, analyse d’une pratique qui mêle économie touristique et philosophie du rapport au corps.
👀 Une pratique minoritaire mais en mutation
Avec 2 millions de pratiquants réguliers et un statut de destination phare du naturisme mondial, la France maintient son rang sur le plan économique et touristique. Mais derrière ces chiffres flatteurs, le naturisme reste marginal dans les usages réels, comme le souligne la dernière enquête Ipsos pour la Fédération Française de Naturisme (FFN). Réalisée auprès de 1 000 Français âgés de 18 à 75 ans, elle révèle une pratique très concentrée en privé : 40 % des sondés se déclarent naturistes uniquement à domicile.
Sur les espaces publics :
21 % ont expérimenté le naturisme sur une plage,
19 % en pleine nature,
12 % dans un centre de vacances spécialisé.
La nouveauté vient des jeunes générations : 37 % des 25-34 ans et 32 % des 18-24 ans déclarent avoir tenté l’expérience au moins une fois. Un chiffre révélateur d’une curiosité nouvelle, plus décomplexée face à la nudité, même si cette tendance ne se transforme pas systématiquement en pratique régulière. Chez ceux qui n’ont jamais franchi le pas en public, seuls 10 % envisagent de le faire.
Les jeunes adultes perçoivent davantage le naturisme comme un vecteur de liberté corporelle et de reconnexion à la nature
commente Johanna Seban, journaliste spécialiste des questions de société.
Sur le plan économique, cette lente progression générationnelle pourrait toutefois représenter une opportunité commerciale pour les professionnels du tourisme naturiste, qui cherchent à diversifier leur clientèle face au vieillissement des pratiquants historiques.
🏖️ Un secteur touristique discret mais rentable
Si l’image du naturisme reste ambivalente — 31 % des Français l’associent à une perception positive, 50 % évoquent des craintes liées à des dérives possibles — le secteur génère une activité économique non négligeable. La France compte aujourd’hui plus de 460 espaces aménagés dédiés à cette pratique, entre plages, centres de vacances, campings et villages touristiques spécialisés.
Parmi les sites emblématiques :
La plage d’Héliopolis sur l’île du Levant (Var), berceau historique du naturisme français,
Le centre de Montalivet (Gironde), pionnier du tourisme naturiste depuis 1950,
La plage de Sérignan (Hérault), très fréquentée durant la saison estivale.
Des établissements comme La Jenny (Gironde) ou le domaine naturiste de Bélézy (Vaucluse) accueillent chaque année des milliers de visiteurs, dont de nombreux touristes nord-européens, en quête de soleil, de nature et de tranquillité.
L’économie du naturisme repose sur un tourisme de niche structuré, offrant une clientèle fidèle et solvable. Pour la FFN, le défi consiste désormais à renouveler cette clientèle vieillissante :
Le potentiel de croissance existe si l’on parvient à moderniser l’image du naturisme et à rassurer sur la sécurité des espaces dédiés
explique un porte-parole.
👁️ L’œil de l’expert : séduire les plus jeunes
Pour les professionnels du tourisme, le naturisme français est à un tournant stratégique. Le vieillissement des pratiquants historiques, combiné à une image parfois surannée, impose une refonte marketing centrée sur le bien-être, le respect du corps et l’écologie, des valeurs prisées par les jeunes générations.
Le naturisme a un potentiel de croissance, mais il doit changer son narratif : passer de la simple nudité au concept de reconnexion authentique avec soi-même et la nature
analyse Sophie Martin, consultante en stratégie touristique.
Dans les années à venir, l’avenir économique du naturisme français dépendra donc de sa capacité à séduire une nouvelle clientèle, plus jeune et plus soucieuse de vivre des expériences sensorielles naturelles que de revendiquer un militantisme nudiste. Un challenge commercial et culturel à relever pour préserver cette spécificité hexagonale dans le paysage touristique européen.