La révolution musicale à l’ère des algorithmes. C’est une première qui secoue les fondations de l’industrie musicale : The Velvet Sundown, un groupe fictif entièrement conçu grâce à l’intelligence artificielle, franchit le cap du million d’auditeurs sur Spotify. Loin d’être un simple gadget expérimental, ce projet marque un tournant économique majeur. En brouillant les frontières entre art humain et production algorithmique, il soulève une question cruciale : quel est le coût (ou le gain) de la musique générée par l’IA ?
Algorithme vs Artistes : le choc économique
La montée en puissance de The Velvet Sundown est un cas d’école. Grâce à des outils d’IA générative, une équipe humaine a conçu un groupe de rock progressif « rétro-futuriste », inspiré par les géants que sont King Crimson, Pink Floyd ou encore The Velvet Underground. Résultat : des morceaux originaux, des visuels immersifs et une biographie factice – le tout produit sans musiciens ni studios traditionnels.
Coût de production ? Quasiment nul.
Temps de création ? Compressé à quelques semaines.
Résultat ? Un million d’écoutes… et probablement autant de revenus Spotify.
Selon l’expert musical Vinyletroismille:
on tombe dans le panneau sans même le savoir
C’est là que l’enjeu financier devient vertigineux : The Velvet Sundown bénéficie des mêmes royalties qu’un groupe humain, sans les frais annexes (salaires, cachets, ingénieurs du son…).
En somme, l’IA devient une machine à rentabilité dans un marché où les marges sont de plus en plus serrées. Pire encore : elle érode les opportunités pour les artistes émergents, en saturant les plateformes de contenus calibrés pour les algorithmes de recommandation.
Spotify, catalyseur d’un nouveau modèle économique
La plateforme suédoise est devenue le laboratoire grandeur nature de cette révolution. Contrairement à son concurrent Deezer, qui distingue les morceaux créés par IA, Spotify ne fournit aucune information sur la nature algorithmique des contenus.
Cet opacité commerciale a une implication forte : les utilisateurs consomment des morceaux IA sans le savoir, ce qui garantit une meilleure intégration dans les playlists automatiques et les suggestions personnalisées. Le modèle économique est redoutable : des millions d’écoutes, sans artiste à rémunérer.
Le journaliste Philippe Manœuvre résume crûment la situation :
On voit tout de suite que c’est un faux groupe […], ça n’a aucun intérêt artistique
Si l’esthétique peut prêter à débat, le modèle économique, lui, est redoutablement efficace. Entre les faibles coûts de création et l’absence d’encadrement légal clair, l’IA offre aux plateformes un outil de monétisation sans friction.
L’œil de l’expert : mutation ou manipulation ?
L’irruption de The Velvet Sundown n’est pas un simple phénomène de niche, mais un marqueur d’une transformation économique profonde. En s’invitant dans les playlists avec des morceaux créés à la chaîne, l’IA bouleverse la chaîne de valeur traditionnelle : de la création à la diffusion, elle court-circuite les métiers historiques de la musique.
Si certains y verront une démocratisation de la création, d’autres – dont les artistes eux-mêmes – redoutent un nivellement par le bas de l’émotion et de l’originalité. En l’absence de régulation claire, c’est le business model des plateformes qui dictera l’avenir de la musique, au détriment peut-être de sa substance.
