Dans un contexte budgétaire sous haute tension, le gouvernement explore une nouvelle piste susceptible d’agiter le monde du travail : permettre aux salariés de convertir leur cinquième semaine de congés payés en revenu. Une mesure qui s’inscrirait dans une stratégie globale de redressement des comptes publics, tout en cherchant à relancer l’activité. Si elle est adoptée, cette initiative pourrait bien rebattre les cartes du rapport au temps libre et au pouvoir d’achat.
💰 Des congés transformés en rémunération
Lors de la présentation des grandes lignes du budget 2026, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a avancé l’idée de rémunérer la cinquième semaine de congés payés. Objectif : “augmenter le temps de travail” sans passer par un allongement officiel du temps légal, en offrant la possibilité de troquer du repos contre du revenu.
Le dispositif s’inspire directement du rachat des RTT, mis en place en 2022 et prolongé jusqu’à fin 2026. Ce mécanisme permet déjà aux salariés du privé de convertir leurs jours de repos en heures supplémentaires majorées de 10 à 25 %. Cependant, la mesure actuelle exclut la cinquième semaine de congés, encadrée par le Code du travail.
Si la réforme aboutit, elle constituerait une évolution majeure, puisqu’elle ouvrirait la voie à la monétisation de jours jusqu’ici non convertibles
analyse pour Capital France, Guillaume Gaudiot, juriste en droit de la rémunération.
La proposition a toutefois déclenché une onde de choc du côté des syndicats. L’UNSA, interrogée par Le Figaro, fustige “un retour en arrière préoccupant”. De son côté, Bruno Le Maire a calmé le jeu en affirmant “ne pas avoir vu passer la mesure” sur BFMTV. Matignon précise néanmoins qu’elle sera soumise à la concertation avec les partenaires sociaux. Rien n’est donc encore gravé dans le marbre.
📈 Une manne financière… sous conditions
Pour les salariés qui choisiraient de renoncer à quelques jours de repos, le gain pourrait être non négligeable, en particulier pour les revenus moyens. Prenons l’exemple de Morgane, employée à temps plein (35h) avec un salaire net de 2 000 € par mois. En renonçant à sa cinquième semaine de congés, elle récupérerait 461,30 € supplémentaires, soit l’équivalent de 35 heures travaillées à 13,2 € net/heure.
Antoine, cadre rémunéré 2 800 € net pour 39 heures hebdomadaires, verrait pour sa part un complément de 647,50 € brut lui être versé en cas de rachat de sa semaine (à 18,5 €/h net).
À l’échelle macroéconomique, la mesure pourrait aussi répondre à une baisse de la productivité constatée, liée au durcissement de l’accès au crédit, à la modération salariale et à la perte de pouvoir d’achat. Le gouvernement espère ainsi soutenir l’offre de travail tout en allégeant la pression budgétaire — dans un contexte où le projet de loi de finances pour 2026 prévoit 43,8 milliards d’euros d’économies, et un gel des prestations sociales et des pensions (hors Défense) ⚖️.
👁️ L’œil de l’expert: variable d’ajustement
Si la possibilité de convertir sa cinquième semaine de congés en revenu peut séduire certains salariés désireux de gonfler leur pouvoir d’achat, elle soulève des questions majeures de société. En première ligne : la précarisation du temps de repos, la valorisation du travail au détriment de l’équilibre personnel, et le risque de pression implicite exercée sur les salariés les plus modestes.
Pour les finances publiques, la mesure constitue une réponse habile à la nécessité de relancer l’activité sans créer de nouvelles dépenses. Mais dans un climat de restrictions, cette “souplesse salariale” pourrait vite devenir une variable d’ajustement sociale.