La lente agonie des agences bancaires traditionnelles ne fait plus de doute. En l’espace de cinq ans, plus de 3 000 établissements ont baissé le rideau dans l’Hexagone. Si cette évolution répond aux nouvelles habitudes numériques des consommateurs, elle soulève aussi de profondes inquiétudes : disparition des distributeurs automatiques de billets, exclusion des publics les plus vulnérables, recul du lien humain dans la relation client. Une mue silencieuse, mais lourde de conséquences.
Vers un modèle à deux vitesses ?
Le mouvement de fermeture des agences s’accélère sous l’effet conjugué de la digitalisation et de la montée des banques en ligne. D’après Christopher Dembik, économiste, la tendance est loin d’être terminée :
Entre 15 et 20 % des agences bancaires pourraient disparaître d’ici 2030
prévient-il sur France 2, dans l’émission Télématin du 2025-__juin__-3. En toile de fond, une mutation profonde du lien entre les clients et leur banque : les visio-conférences, les messageries sécurisées ou les applications mobiles remplacent peu à peu le face-à-face.
Selon Guillaume Almeras, fondateur du site spécialisé Score Advisor, cette évolution s’explique simplement :
Si vous pouvez converser avec votre chargé de clientèle à distance, pourquoi être rattaché à une agence ?
déclare-t-il dans un entretien pour RMC. Aujourd’hui, certaines agences ne voient plus leurs clients qu’une fois par an, voire jamais. Résultat : la logique de proximité s’efface au profit de l’efficacité numérique. Et pourtant, la France reste encore bien dotée en matière de maillage bancaire, avec une agence pour 2 037 habitants, soit une densité bien plus élevée que dans la majorité des pays européens. Mais ce maillage s’effrite, particulièrement en milieu rural.
Zones rurales, seniors, espèces : les oubliés de la révolution bancaire
Si la digitalisation simplifie la vie de nombreux clients urbains, elle exclut une partie de la population, notamment les personnes âgées, les petits commerçants ou les habitants de territoires isolés. Les zones rurales sont les premières touchées par les fermetures, obligeant les usagers à faire plusieurs kilomètres pour rencontrer un conseiller ou effectuer des opérations courantes.
Le 3 juin dernier, sur la station Sud Radio, Éric Revel expliquait :
Fermer une agence, c’est souvent condamner aussi le distributeur automatique de billets installé devant. Les provinces et les petites villes vont avoir de plus en plus de mal à accéder aux espèces
Une situation préoccupante alors que le paiement en liquide reste essentiel pour de nombreux citoyens, malgré l’essor des cartes, smartphones et montres connectées. Les conséquences sont multiples : difficultés à déposer du cash ou des chèques, moindre accès aux services de conseil en présentiel, sentiment d’abandon dans certaines communes déjà fragilisées. Pour Éric Revel, le constat est sans appel :
C’est peut-être la fin programmée de la distribution de billets, et donc du paiement en liquide. Oui, à terme, le cash va sans doute disparaître
️ L’œil de l’expert : entre progrès technique et fracture sociale
La disparition progressive des agences bancaires signe une mutation irréversible, mais pas sans risques. Si le numérique offre rapidité, accessibilité et réduction des coûts, il creuse aussi une fracture territoriale et générationnelle. Le défi pour les banques de demain ? Maintenir une présence minimale physique pour ne pas abandonner les plus fragiles, tout en poursuivant l’innovation digitale.
Ce basculement vers un univers bancaire totalement dématérialisé exige une politique volontariste, combinant technologies inclusives et solidarité territoriale. À défaut, le progrès pourrait se transformer en exclusion.
