L’infidélité n’est plus la principale cause de conflit dans le couple : c’est l’argent. Du budget du quotidien aux grandes décisions patrimoniales, la gestion financière devient un champ miné pour près d’un couple français sur deux. Selon une étude européenne menée par la néobanque Bunq, la France serait même championne du continent en matière de disputes liées à l’argent. Décryptage d’un malaise tabou, aux enjeux bien plus économiques qu’il n’y paraît.
Épargne, immobilier, dépenses : quand les finances fragilisent le couple
L’étude de Bunq révèle que 45 % des couples français connaissent des tensions occasionnelles à propos d’argent, et 20 % vivent des conflits récurrents sur le sujet. En somme, un couple sur quatre est régulièrement en désaccord sur ses finances, un taux bien supérieur à celui observé au Royaume-Uni (8 %), en Espagne ou aux Pays-Bas.
Le cœur des différends ? Les grands projets financiers, comme l’épargne à long terme ou l’achat immobilier, mais aussi les dépenses courantes jugées excessives ou déséquilibrées. Le terrain devient d’autant plus sensible qu’il est peu balisé par le dialogue : entre 30 et 50 % des personnes interrogées admettent avoir déjà dissimulé un achat ou une décision financière à leur partenaire.
Cette dissimulation financière — parfois qualifiée de “fraude douce” dans les milieux de la gestion de patrimoine — peut avoir des effets délétères, notamment sur la confiance et les projets patrimoniaux à deux.
Chez les jeunes couples, notamment ceux de moins de 25 ans, la tendance est à l’individualisme : 28 % des Français préfèrent séparer totalement leurs finances, contre 38 % au Royaume-Uni. Une configuration qui permet de préserver une certaine autonomie, mais complique les synergies économiques, notamment en cas de projet immobilier ou d’enfant.
Le grand tabou : quand parler d’argent devient plus gênant que l’infidélité
Ce n’est pas qu’un sujet économique. C’est un sujet émotionnel, culturel et profondément intime, que beaucoup évitent soigneusement. Laurence, psychothérapeute de couple dans l’Est de la France, résume ainsi :
C’est même plus tabou de parler d’argent que d’infidélité. Ça vient se greffer à la charge mentale, et ça crée une fracture dans l’équilibre du couple.
En effet, le partage des charges, s’il n’est pas discuté sereinement, devient un terrain de ressentiment. Nombre de spécialistes recommandent une répartition proportionnelle aux revenus, plutôt qu’un strict 50/50, souvent injuste dans les couples à revenus inégaux.
Et pourtant, malgré les tensions, la co-gestion reste de mise : la majorité des couples utilisent un compte joint pour les dépenses du quotidien. Qu’il s’agisse de tableurs partagés, d’applications mobiles ou d’enveloppes traditionnelles, les couples cherchent à structurer leur économie commune. Mais ce système n’efface pas les non-dits ni les déséquilibres structurels.
L’œil de l’expert : des règles claires
Quand le couple devient un foyer fiscal, il devient aussi une micro-entreprise patrimoniale, avec ses flux, ses arbitrages, ses investissements. Ne pas parler d’argent dans ce contexte, c’est comme piloter sans tableau de bord.
Les chiffres le montrent : plus le niveau d’engagement augmente (enfants, emprunts, copropriété), plus les risques de tensions financières grandissent. Et pourtant, c’est souvent à ce moment-là que le silence s’installe.
Si le dialogue amoureux repose sur la confiance, le dialogue financier repose sur la transparence et l’anticipation. Établir des règles claires, s’appuyer sur un conseiller et distinguer ce qui relève de l’individuel ou du commun : voilà les piliers d’une vie à deux… sans crise de trésorerie affective.