Si l’amour est au cœur de la relation, l’argent, lui, peut rapidement devenir son talon d’Achille. Trop souvent occultées ou minimisées, les questions financières dans le couple sont pourtant essentielles à l’équilibre et à la pérennité du lien. Selon Héloïse Bolle, experte en gestion financière et fondatrice d’Oseille&compagnie, et qui répond à MoneyVox, il est crucial de ne pas reléguer les finances au second plan. « On ne règle pas ses factures avec des bons sentiments », rappelle-t-elle dans son ouvrage Les bons comptes font les bons amants. Voici, dans un ordre stratégique, six principes clés pour bâtir une organisation financière juste, transparente et durable en couple.
⚖️ Une équité plutôt qu’une égalité dans les contributions
Il est fréquent que les revenus diffèrent au sein du couple. C’est pourquoi une répartition strictement égalitaire des dépenses n’est pas toujours pertinente. « La règle du 50/50 n’a de sens que si les revenus sont similaires », explique Héloïse Bolle. Le prorata des ressources reste la solution la plus juste. À cela s’ajoute la prise en compte des revenus passifs — loyers, dividendes — qui doivent entrer dans le calcul global. En outre, les deux partenaires doivent participer aussi bien aux petites qu’aux grandes dépenses, afin d’éviter une spécialisation financière qui mène à une méconnaissance des charges globales du foyer.
Parler d’argent sans tabou… et dès le début
Évoquer l’argent sans gêne ni détour reste la base d’une gestion saine. Trop souvent, le sujet est repoussé ou jugé inconfortable, alors qu’il conditionne de nombreux aspects de la vie commune : projets, sécurité, séparation.
Il est beaucoup plus simple d’aborder ces questions au début d’une relation que d’essayer de les résoudre vingt ans plus tard
souligne Héloïse Bolle. Refuser ces discussions peut dissimuler une volonté de conserver un avantage, voire s’apparenter à une forme de violence économique. La transparence n’est donc pas une option, mais une nécessité.
Garantir la sécurité financière de chacun
Dans un couple, la sécurité économique doit être réciproque. Il est fondamental que chacun puisse rester libre de ses choix — y compris celui de rester dans la relation — sans dépendance financière.
Une personne sans sécurité économique en dehors du couple peut y rester pour de mauvaises raisons
alerte Héloïse Bolle. Cela implique de réfléchir à la répartition des ressources, mais aussi à des dispositifs pour équilibrer les patrimoines lorsque l’un est déjà propriétaire ou bénéficie d’un héritage.
Intégrer l’impôt dans l’équation financière du couple
La fiscalité, souvent reléguée à l’arrière-plan, peut pourtant créer d’importantes inégalités. Le taux de prélèvement personnalisé, appliqué par défaut à tous les membres du foyer, peut désavantager le partenaire aux revenus les plus modestes. D’où l’intérêt d’opter pour un taux individualisé. Un exemple chiffré montre qu’un mauvais choix peut engendrer des prélèvements disproportionnés. Heureusement, dès septembre 2025, la Direction générale des finances publiques appliquera automatiquement cette individualisation à 20 millions de foyers. Mais d’ici là, vigilance et compréhension commune restent essentielles.
Valoriser et équilibrer le travail non rémunéré
Le partage des tâches invisibles (ménage, parentalité, soins) influence directement les trajectoires économiques. Lorsqu’un partenaire, souvent la femme, réduit son activité pour s’occuper du foyer, la perte est double : en revenu et en cotisations.
Cela représente parfois jusqu’à 800 euros par mois
chiffre Héloïse Bolle. Une discussion lucide et chiffrée sur ce déséquilibre est impérative pour envisager des compensations justes — financières ou patrimoniales.
Instaurer une stratégie d’épargne pour chacun
Pouvoir épargner individuellement reste un pilier fondamental de l’autonomie. Quelle que soit l’organisation choisie — compte joint, comptes séparés ou mixtes — il faut permettre à chaque partenaire de se constituer un capital personnel.
Il est indispensable que chacun puisse faire croître ses propres poches d’épargne
insiste Héloïse Bolle. Cela suppose une organisation rigoureuse, claire et suivie, notamment dans les investissements communs comme l’achat immobilier.
L’œil de l’expert :
La gestion financière d’un couple n’est ni intuitive, ni figée. Elle repose sur la communication, l’équité et l’anticipation. L’amour n’excuse ni l’improvisation ni le déséquilibre. En tant qu’experte, je ne peux que recommander une approche proactive et pragmatique : posez les chiffres sur la table, définissez vos règles, réévaluez-les régulièrement. Car derrière les euros se cachent les fondations concrètes de votre liberté à deux.