Le 2025-__juin__-6 marquera un tournant décisif pour la télévision française gratuite. Avec la disparition de C8, NRJ 12 et le retrait de Canal+ de la TNT, l’Arcom en profite pour refondre en profondeur la numérotation des chaînes. Ce réagencement, loin d’être anodin, bouleverse l’ordre établi depuis plus d’une décennie. Si le public devra s’habituer à zapper autrement, les professionnels du secteur, eux, doivent faire face à une réorganisation technique et économique d’ampleur, largement passée sous silence. Derrière ce simple changement de canal se cache en réalité une transformation coûteuse, entre mises à jour des box, campagnes de communication et repositionnement marketing. Analyse d’un big bang audiovisuel aux conséquences bien plus larges qu’il n’y paraît.
Nouvelle numérotation, nouvelles priorités
À compter du 2025-__juin__-6, la TNT entre dans une nouvelle ère. Avec la disparition définitive de C8, NRJ 12 et Canal+, une réorganisation massive du plan de numérotation s’opère. Ce chantier, dirigé par l’Arcom, impacte toutes les plateformes de diffusion, des antennes hertziennes aux box internet.
Ce réagencement, s’il s’inscrit dans une logique de modernisation de l’offre télévisuelle gratuite, a un coût… qui, jusqu’ici, est resté largement sous-estimé dans le débat public. Opérateurs télécoms, groupes audiovisuels, fournisseurs d’équipements… Tous ont dû mettre la main à la poche.
On parle ici de plusieurs millions d’euros au total, répartis entre les mises à jour techniques, les campagnes de communication, la refonte des interfaces utilisateurs et la reprogrammation des décodeurs
indique Élodie Martens, consultante média. Pour les chaînes concernées, notamment celles qui changent de canal, un repositionnement marketing s’impose. Cela implique des coûts en régie publicitaire, en référencement, et surtout en visibilité perdue… ou à reconquérir.
Une grille réorganisée, mais à quel prix ?
L’opération de renumérotation ne se limite pas à un simple glissement de numéros. Elle s’accompagne de transformations logicielles massives :
- Reprogrammation des box et des téléviseurs connectés ;
- Coordination technique entre opérateurs (Orange, Free, SFR, Bouygues) ;
- Mise à jour des guides électroniques de programmes (EPG) ;
- Tests de compatibilité pour éviter les conflits entre chaînes ou erreurs d’affichage.
Côté fournisseurs d’accès, chaque opérateur a dû mobiliser ses équipes techniques pour assurer la transition sans interruption de service.
Ce type d’opération nécessite en moyenne six mois de développement, de test et de déploiement à l’échelle nationale
précise un cadre d’un grand opérateur sous couvert d’anonymat. Du côté des chaînes, certaines ont vu leur position nettement améliorée :
- France 4 récupère le canal 4, autrefois occupé par Canal+.
- LCP monte en puissance au canal 8, profitant du vide laissé par C8.
- Gulli s’installe au 12, remplaçant NRJ 12.
Mais ces changements impliquent des campagnes de communication ciblées, pour ne pas perdre les fidèles. Certains groupes ont même envisagé des budgets publicitaires exceptionnels, estimés à plusieurs centaines de milliers d’euros pour repositionner leur marque sur le bon canal dans l’esprit des téléspectateurs. on pouvait déjà voir cette semaine, dans une moindre mesure, des pin’s avec la nouveau numéro de station, ou encore les journalistes porter des tee-shirt présentant le nouveau canal.
Enfin, deux nouvelles chaînes, T18 et NOVO19, viendront enrichir l’offre. Si elles n’ont pas hérité de fréquences coûteuses à maintenir, leur lancement représente un investissement initial important, entre frais de personnel, achat de contenus et mise en conformité avec la diffusion numérique.
️ L’œil de l’expert
Derrière ce remaniement technique se cache une stratégie de fond : revaloriser le service public audiovisuel, clarifier l’offre d’info en continu, et redonner un souffle à la TNT, souvent décriée comme vieillissante face aux géants du streaming. Mais cette révolution a un coût, estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros à l’échelle de l’écosystème : un effort collectif pour une meilleure lisibilité. Reste à savoir si les audiences, elles, suivront.
Le gain en cohérence pourrait se traduire par une meilleure répartition des parts de marché entre chaînes, notamment grâce au regroupement des chaînes d’info sur les canaux 13 à 16. En revanche, certaines chaînes privées regrettent un processus trop rapide, sans compensation ni appel d’offres ouvert.
En définitive, cette réforme marque un virage stratégique pour la TNT, entre modernisation forcée et logique budgétaire serrée. Une chose est sûre : la télévision gratuite se repositionne, coûte que coûte.
