La précarité alimentaire est un fléau en pleine explosion en France, particulièrement accentué par la hausse des prix et les difficultés économiques des ménages. Une étude récente de la Fédération des Banques alimentaires, dévoilée lors du Salon de l’Agriculture lundi dernier, met en lumière un phénomène alarmant : la diversification des profils des bénéficiaires, qui va bien au-delà des traditionnels demandeurs d’aide. De plus en plus de travailleurs, souvent en CDI, se retrouvent contraints de faire appel à l’aide alimentaire, un signe révélateur de l’intensification de la pauvreté dans une grande partie de la population.
Les travailleurs pauvres : un groupe en forte croissance parmi les bénéficiaires
L’un des résultats les plus frappants de l’étude est l’augmentation notable du nombre de travailleurs pauvres recourant à l’aide alimentaire. En 2024, près de 22 % des bénéficiaires sont des travailleurs, une hausse de 5 points par rapport à 2022. Parmi eux, 43 % occupent des postes en CDI à temps plein, une situation qui soulève des interrogations profondes sur l’insuffisance des salaires face à la hausse des charges quotidiennes. Après avoir payé leur loyer, leurs charges d’énergie et leurs autres besoins essentiels, ces travailleurs peinent à joindre les deux bouts, malgré un emploi stable. Ce phénomène met en évidence les limites du modèle économique actuel, où le salaire minimum semble de plus en plus insuffisant pour subvenir aux besoins de base.
Une diversification des profils de bénéficiaires : retraités, étudiants et familles monoparentales en tête
La précarité alimentaire ne touche plus seulement les populations les plus vulnérables, mais s’étend désormais à des catégories moins attendues. Les étudiants, retraités et familles monoparentales constituent des groupes en forte augmentation parmi les bénéficiaires des Banques alimentaires. La part des retraités a notamment augmenté de 3 points depuis 2022, représentant désormais 20 % des bénéficiaires. Les familles monoparentales, majoritairement composées de mères célibataires, sont particulièrement exposées, confrontées à des revenus faibles et des charges élevées, souvent en raison de la hausse des prix alimentaires et des coûts de logement. Cette diversification des profils souligne l’étendue croissante de la précarité au sein de la société française, dépassant les populations les plus défavorisées.
Les conséquences sur la santé et le bien-être des bénéficiaires
La précarité alimentaire a des effets dévastateurs bien au-delà des finances. Selon l’étude, les bénéficiaires souffrent plus fréquemment de problèmes de santé que la population générale. En effet, 11 % des bénéficiaires ont signalé être atteints de diabète, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Les maladies cardiaques, l’obésité et d’autres troubles de santé sont également largement surreprésentés. Plus de 75 % des personnes interrogées rapportent au moins un problème de santé, et une majorité d’entre elles a déjà renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières. Parallèlement, les troubles psychologiques sont également très présents, affectant un quart des bénéficiaires. Un lien direct entre la malnutrition, le stress financier et la dégradation de la santé mentale est clairement observé.
La dématérialisation des services publics : un facteur aggravant de la précarité
Un autre élément clé mis en lumière par l’étude est l’impact de la dématérialisation des services publics. Selon la Fédération des Banques alimentaires, cette transition vers des services numériques a considérablement complexifié l’accès aux aides sociales pour de nombreuses personnes en situation de précarité. La difficulté à naviguer dans des démarches administratives en ligne a conduit à une augmentation notable du recours à l’aide alimentaire, les services étant souvent inaccessibles ou trop complexes pour les populations les plus fragiles. Cette digitalisation des services publics, qui exclut de nombreux individus, contribue directement à l’élargissement de la précarité alimentaire.
L’œil de l’expert : quelles actions pour lutter contre la précarité alimentaire ?
La situation est préoccupante, car elle touche des segments de la population qui, auparavant, pouvaient être considérés comme relativement à l’abri de la pauvreté. L’augmentation des travailleurs pauvres et l’élargissement des catégories de bénéficiaires nécessitent une réponse urgente de la part des pouvoirs publics. Il est impératif d’adopter des politiques plus inclusives, notamment en matière de salaires et d’accès aux services sociaux, tout en abordant la question de la santé publique de manière plus intégrée.
Le renforcement des aides à la rénovation énergétique et des initiatives pour améliorer l’accès à l’alimentation saine et abordable pourrait être une solution à court terme. Sur le long terme, un véritable plan de lutte contre la précarité alimentaire devrait être mis en place, intégrant des mesures pour soutenir efficacement les travailleurs, les familles monoparentales, et toutes les personnes actuellement à la merci de l’inflation.
