Les inégalités de genre ne se limitent pas au salaire ou à la rémunération, elles s’étendent également au monde de l’investissement. Selon le dernier baromètre de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), bien que les femmes épargnent autant que les hommes, elles sont bien moins enclines à investir. Cette disparité creuse les écarts de patrimoine, avec des répercussions à long terme sur la sécurité financière des femmes, notamment pour leur retraite. Pourquoi cette différence persiste-t-elle ? Quels sont les facteurs sous-jacents qui expliquent cette inégalité persistante ?
⚖️ Une différence d’intérêt pour les investissements
Bien que les femmes soient presque aussi nombreuses que les hommes à mettre de l’argent de côté, la différence se creuse en matière d’investissement. Le baromètre de l’AMF révèle que seulement 22% des femmes détiennent des produits d’investissement, contre 36% des hommes. Par exemple, en 2022, seulement 12,8% des femmes possédaient des actions individuelles, contre 21,1% des hommes. De même, les femmes investissent moins dans des produits comme les ETF ou les cryptomonnaies, où les écarts sont similaires (respectivement 4,3% contre 8,1% pour les ETF et 11,6% contre 5,7% pour les cryptos). Ces chiffres révèlent une différence marquée dans l’intérêt pour les placements financiers, un écart qui n’a cessé de se creuser entre 2022 et 2024, malgré une hausse générale de l’intérêt pour les placements en actions chez les deux sexes.
L’aversion au risque : une cause sous-jacente des inégalités
L’un des facteurs majeurs expliquant cette différence d’investissement réside dans l’aversion au risque. En 2024, près de 48% des femmes se disent réticentes à prendre des risques financiers, contre 36% des hommes. Ce manque de tolérance au risque, souvent associé à un sentiment de moindre confiance dans leur situation économique, joue un rôle déterminant. Hélène Gherbi, autrice du livre Développer vos superpouvoirs financiers, affirme que « le risque ça s’apprend », soulignant que les femmes, dès leur enfance, sont moins confrontées à des situations où elles apprennent à prendre des risques, contrairement aux garçons qui y sont souvent initiés par des activités comme le sport.
Les effets de l’éducation genrée sur les finances des femmes
Les origines de cette aversion au risque sont profondément ancrées dans une éducation genrée, selon les experts. Dès l’adolescence, les filles reçoivent souvent moins d’argent de poche que les garçons, ce qui limite leur familiarité avec la gestion de leur argent. Florence Corne de l’AMF souligne que « les femmes sous-estiment souvent leur niveau de connaissances financières », contrairement aux hommes qui ont tendance à les surestimer. Morgane Dion, cofondatrice de l’application Plan Cash, va plus loin en affirmant que les femmes ont tendance à repousser leur premier investissement, attendant de se sentir parfaitement prêtes, alors que les hommes sont plus enclins à sauter le pas sans attendre le moment idéal.
⚠️ Les répercussions sur le patrimoine et les inégalités de revenus
L’impact de cette différence d’investissement est considérable sur le patrimoine des femmes. En choisissant d’investir moins, elles font croître leur capital à un rythme plus lent, avec des conséquences notables sur leur retraite, qui est en moyenne plus faible que celle des hommes. Selon l’AMF, cet écart d’investissement représente environ 10% des écarts de patrimoine entre hommes et femmes. De plus, les femmes héritent également moins que les hommes, ce qui accentue encore les inégalités patrimoniales.
Cependant, cette situation n’est pas une fatalité. Selon Florence Corne, investir reste une stratégie clé pour combler les inégalités économiques, à condition que les femmes aient une épargne de sécurité suffisante et qu’elles adaptent leurs placements à leur situation personnelle. L’éducation financière est un levier essentiel pour encourager davantage de femmes à investir et à prendre des décisions financières plus audacieuses.
L’œil de l’expert
Pour combler cet écart et garantir une égalité économique durable, il est nécessaire de promouvoir une meilleure éducation financière des femmes et de créer des espaces où elles se sentent légitimes à investir. Comme le soulignent Hélène Gherbi et Morgane Dion, il est crucial de prendre en compte les écarts de patrimoine entre les sexes et d’aider les femmes à prendre en main leurs finances. Il est également important de déconstruire les stéréotypes culturels qui attribuent à l’investissement une image exclusivement masculine. En créant une société où l’investissement est perçu comme un outil accessible à toutes, les femmes pourront améliorer leur sécurité financière et réduire les inégalités économiques.
