La déferlante électrique n’épargne pas Tesla. Alors que les ventes de véhicules zéro émission progressent dans l’Union européenne, la marque emblématique d’Elon Musk traverse une zone de fortes turbulences. Selon les dernières données publiées par l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), les immatriculations de Tesla ont chuté de 45 % sur les trois premiers mois de 2025, enregistrant la plus forte baisse relative parmi les grands constructeurs. Un décrochage alarmant, à la croisée de considérations commerciales, politiques et sociétales.
⛈ Une dynamique sectorielle qui contraste avec le recul brutal de Tesla
Alors que les véhicules 100 % électriques gagnent du terrain en Europe — représentant 15,2 % du marché automobile en mars, avec une progression annuelle de 17,1 % — Tesla connaît une situation paradoxale. Le constructeur californien, pionnier du secteur, voit ses ventes divisées par deux en un an : 36.167 véhicules immatriculés au premier trimestre 2025 contre 65.774 un an plus tôt. Une dégringolade qui contraste fortement avec la tendance haussière globale du segment électrique.
Cette contre-performance s’inscrit dans un contexte de désaffection croissante vis-à-vis de la marque. En mars, les immatriculations Tesla ont chuté de 36 % par rapport à mars 2024, conséquence directe d’une image de marque fragilisée par des considérations extra-industrielles. La proximité croissante d’Elon Musk avec Donald Trump, désormais conseiller influent à la Maison-Blanche, alimente une vague de boycotts et de manifestations, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Tesla reconnaît dans ses résultats trimestriels que le « changement de sensibilité politique » pourrait sérieusement altérer la demande à court terme.
Autre facteur aggravant : une gamme vieillissante, qui souffre de la concurrence accrue de nouveaux acteurs asiatiques, mais aussi européens, bien implantés localement et porteurs d’innovations technologiques constantes.
Un marché électrique européen en mutation, mais encore fragile
Si l’essor des véhicules électriques semble bien enclenché, la dynamique reste inégale au sein des États membres. L’Allemagne, la Belgique et le Danemark enregistrent une forte croissance des immatriculations électriques, tandis que des pays comme l’Espagne ou l’Italie amorcent tout juste leur transition. En revanche, la France marque le pas, avec une baisse de 14 % des immatriculations électriques en mars, plombée par la réduction du bonus écologique, dispositif jusqu’alors essentiel pour soutenir la demande.
Dans ce contexte, les hybrides prennent l’avantage, captant 35,5 % des immatriculations au premier trimestre, contre 28,7 % pour les véhicules essence. Cette progression rapide témoigne d’un appétit des consommateurs pour des solutions intermédiaires, moins contraignantes en termes d’autonomie et de recharge, et souvent fiscalement plus avantageuses. Pour Sigrid de Vries, directrice générale de l’ACEA, cette transition en demi-teinte révèle un « fossé structurel entre les ambitions climatiques de l’UE et la réalité du marché ».
L’œil de l’expert : Tesla face à un tournant stratégique
La contre-performance de Tesla en Europe reflète moins un désintérêt pour la voiture électrique qu’une remise en question du positionnement de la marque, à la fois sur le plan technologique, politique et symbolique. Le leadership d’Elon Musk, autrefois moteur de l’innovation, devient un facteur de défiance. Pour inverser la tendance, Tesla devra renouveler en profondeur sa gamme, renforcer sa compétitivité tarifaire et surtout dépolitiser son image de marque dans un continent particulièrement sensible aux engagements éthiques et environnementaux.
Face à une concurrence redoublée et un marché en mutation, le constructeur californien est à un carrefour stratégique. Un recalibrage de son offre produit et de sa communication semble indispensable pour retrouver sa trajectoire de croissance sur le Vieux Continent.
